L'utilisation des terres par les peuples autochtones

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L’utilisation locale des terres reflète la vision du monde et les valeurs que les communautés accordent à la nature. Dans les paysages forestiers néotropicaux, où vivent de nombreuses populations autochtones, étudier la manière dont leurs pratiques et les valeurs qui les motivent s’articulent avec des objectifs mondiaux tels que la séquestration du carbone ou la conservation de la biodiversité peut fournir des orientations clés pour atteindre des résultats écologiques et sociaux équitables. Pourtant, la majorité des recherches se sont jusqu’ici concentrées sur le rôle des pratiques autochtones dans la réduction de la déforestation, tandis que peu d’études ont examiné l’influence des valeurs locales sur la déforestation, les perturbations et la stabilité du couvert forestier.
Pour combler ces lacunes, nous avons examiné les dynamiques spatio-temporelles de déforestation et de perturbation sur les terres autochtones du Panama entre 2000 et 2020, en utilisant un algorithme de détection continue des changements ainsi que des modèles additifs généralisés. Nous avons également mené une cartographie participative dans trois territoires autochtones afin d’identifier les valeurs instrumentales et relationnelles associées à l’usage des terres. Nos analyses montrent que les perturbations suivies d’une régénération constituent le principal moteur des changements de couvert végétal sur les terres autochtones. Par ailleurs, en 2020, la superficie de forêt restée intacte dans ces territoires était deux fois plus importante que dans les zones protégées ou les terres non protégées. Les modèles additifs généralisés indiquent que la déforestation et les perturbations y sont peu denses, spatialement concentrées en lisière de forêt et relativement stables dans le temps, ce qui contribue à la résilience du couvert forestier. Selon la cartographie participative, la production alimentaire issue de l’agriculture se situe surtout dans les zones où la déforestation et les perturbations sont les plus marquées, tandis que d’autres valeurs instrumentales (comme la collecte de nourriture ou de matériaux domestiques) et relationnelles (par exemple les sites sacrés) sont réparties plus largement au sein des forêts.
En mobilisant différentes échelles d’analyse et de multiples perspectives, nos résultats montrent que la diversité des valeurs associées à la nature, telles qu’exprimées dans les visions du monde autochtones, peut renforcer la stabilité du couvert forestier, tout en soutenant la qualité de vie des communautés, l’atténuation du changement climatique et la conservation de la biodiversité. Pour inscrire pleinement ces contributions dans les ambitions mondiales en matière de climat et de biodiversité, il est essentiel de dissocier la propriété foncière des dynamiques de déforestation, de reconnaître officiellement les titres fonciers autochtones et de mettre en place des mécanismes incitatifs équitables à leur intention.

(Adapté du résumé de notre publication intitulée, « Diverse values regarding nature are related to stable forests: the case of Indigenous lands in Panama ». Pour lire l'article complet (en anglais), voir ci-dessous.)

Responsable chez PRISM: Camilo Alejo

Publications: Alejo, C., Ortega, M., Leung, B., Coomes, O., Potvin, C. 2025. Diverse values regarding nature are related to stable forests: the case of Indigenous lands in Panama. Ecology and Society, 30(1). https://doi.org/10.5751/es-15540-300124